Cyrano de Bergerac - mise en scène par Denis Podalydès
Récompensée de six Molières en 2007, Denis Podalydès reprend cette
saison à la Comédie-Française sa première mise en scène, celle de Cyrano de Bergerac,
pièce la plus célèbre d’Edmond Rostand, et offre à Michel Vuillermoz le rôle du
héros éponyme dans une performance scénique remarquable.
Cyrano, affligé d’un
nez proéminent mais dont l’art du verbe est sans égal, est secrètement épris de
Roxane, sa cousine. Mais Roxane aime Christian, jeune militaire séduisant mais
peu spirituel. Christian qui vient d’entrer en
tant que cadet dans la compagnie de Cyrano lui avoue son incapacité à séduire la
jeune femme. Cyrano lui propose alors de l’aider à conquérir le cœur de Roxane en
lui soufflant ses mots et ses lettres : « Je serai ton esprit, tu seras ma beauté ». Les rivaux
s’allient, et le stratagème fonctionne. Mais à ce jeu de l’amour, chacun risque
gros.
Le Cyrano de Podalydès est un habile
mélange des arts et des genres porté par un Michel Vuillermoz passant du
comique au drame avec une dextérité époustouflante. De la tragédie, au drame
romantique en passant par la poésie symboliste et la farce moliéresque, la mise
en scène forme à la fois un ensemble hétéroclite et cohérent et intègre même la
vidéo de manière habile et pertinente.
A la fois traditionnelle et féérique
(scène chez le restaurateur Raguenau ou encore Roxanne flottant gracieusement dans
les airs) la mise en scène a quelque chose de Burtonien dans le ton et l’esthétique.
Le personnage de Montfleury, un « gras (..) mauvais acteur et comédien » évoque
le chapelier fou dans le Alice au pays
des merveilles de Tim Burton. Le ridicule du personnage, bouffon maladroit
et grotesque, ajoute une touche de burlesque à la mise en scène.
Denis Podalydès confie « nous voulions que le spectacle sorte du ventre de notre théâtre (…) : faire jouer toute la machine ». Et c’est bien la totalité de la machine théâtrale qui va être déployée, afin de proposer ici une véritable réflexion autour du théâtre. La mise en scène sert alors de mise en abyme de l’illusion théâtrale elle-même.
Dès l’ouverture, des images d’archives sont projetées sur un écran et la séquence vidéo se termine par la projection sur ce même écran de la salle, faisant du public à la fois un spectateur et un acteur.
Dès l’ouverture, des images d’archives sont projetées sur un écran et la séquence vidéo se termine par la projection sur ce même écran de la salle, faisant du public à la fois un spectateur et un acteur.
Les
décors sont déplacés à vue, sous les yeux du public, révélant les possibilités
et les dessous de la machinerie théâtrale et participant au renforcement de
cette idée de mise en abyme.
S’il
arrive à Roxane de jouer la comédie au comte de Guiche en lui faisant croire
qu’elle l’aime « Vous jouez donc des
tours aux gens, vous ? » ou à Ragueneau de réciter son poème à la
gloire des tartelettes amandines, c’est essentiellement Cyrano qui se comporte
en homme de théâtre. Somme
toute, ne serait-il pas la métonymie de cette illusion théâtrale ? La
scène du balcon en étant l’apogée, Cyrano soufflant et allant jusqu’à remplacer
Christian dans son jeu de séduction.
Enfin,
la dernière scène permet à Podalydès de nous glisser un ultime clin d’œil, le
fauteuil sur lequel s’écroule Cyrano faisant étrangement écho au fauteuil dans
lequel Molière joua son dernier rôle. Finalement, Podalydès a délibérément
choisi de nous dévoiler, de magnifier et même de nous intégrer à cette douce
imposture.






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